Pastorales montréalaises, Printemps-été 2018
EAN13
9782897593612
Éditeur
Atelier 10
Date de publication
Collection
Nouveau Projet
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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Pastorales montréalaises

Printemps-été 2018

Atelier 10

Nouveau Projet

Livre numérique

  • Pastorales montréalaises

    Aide EAN13 : 9782897593612
    • Fichier PDF, avec Marquage en filigrane
    2.49
En descendant le boulevard de l’Acadie dans la brunante, zigzaguant entre les
voitures dans le bruit et les gaz d’échappement, je remarque comme chaque fois
la clôture qui sépare Ville Mont-Royal du quartier montréalais de Parc-
Extension. D’un côté, une longue haie derrière laquelle on se soustrait au
monde, une forteresse verte. De l’autre, des immeubles résidentiels délabrés,
couverts d’antennes paraboliques, accueillant une des communautés les plus
pauvres du Canada. Je tourne à droite et me stationne sur la rue Saint-Roch,
au milieu des nombreuses églises grecques. Je me cherche un condo. Le quartier
est né en 1910, quand la compagnie Park Realty a divisé le territoire en lots
résidentiels. Pas de grands projets de trains ni d’aménagement, juste un
paquet de terrains pas chers à vendre, devenus une terre d’accueil pour des
immigrants européens: Juifs, Ukrainiens, Hongrois, Italiens et Grecs, tous
arrivés ici pour fuir la Deuxième Guerre mondiale. Durant les années 1970,
d’autres vagues d’arrivées—venues d’Haïti, d’Amérique centrale, d’Asie, des
pays arabes et de Turquie—ont fait du quartier un lieu peuplé à 58 %
d’immigrants issus de plus d’une centaine de pays. Il y a peu de pancartes de
condos à vendre, et la nuit tombe. Avenue Ogilvy, j’entre dans le Centre
lefkadien, une petite salle communautaire où fraternisent beaucoup de Grecs
originaires de l’ile de Leucade. Je tombe sur Nicolas et Kristophoulos, plus
jeunes, qui sont les seuls à parler français. Ils me servent du vin avec toute
la jovialité de l’hospitalité grecque. Ils me racontent qu’enfants, ils
traversaient à Mont-Royal pour ramasser des bouteilles vides dans les parcs
déserts. Maintenant, ils ont «réussi» et sont partis vers la banlieue. À
Laval, ils peuvent se payer le rêve américain au rabais. Mais leur quartier
leur manque: «Il n’y a pas un enfant grec, indien ou paki qui ne voudrait pas
vivre de l’autre côté de la barrière. Mais à Parc-Ex, on est plus heureux.»
Exclus des écoles catholiques françaises à cause de leur appartenance
religieuse, leurs parents ont été confinés dans les restaurants et les
manufactures où on parlait leur langue. Maintenant, c’est au tour des Indiens,
des Pakistanais et des Sri-Lankais de travailler comme des automates dans des
restos et des ateliers de couture; bientôt, ce sont eux qui quitteront ce
refuge temporaire pour s’installer dans d’autres quartiers ou les grandes
banlieues.
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