Le Paysage et l'Âme

Du précédent recueil d'Anne Chesnaie, Alain Bosquet avait pu écrire : "On y
sent palpiter un être entre le dépassement de soi et la perversité d'une
attention excessivement crispée… Ce sont des débuts étonnants et somnambules."
Guillevic, lui, les approuvait ainsi : "Les moyens du poète sont ceux de la
vie du corps et un regard à la fois aigu et innocent." Si Anne Chesnaie,
alors, a approfondi - à sa façon - les problèmes de la femme moderne, a écrit
des pages remarquables sur la naissance de l'enfant, son nouveau livre est
plus riche et étrange. « Le paysage et l'âme » compare, intègre la vision
cosmique à la mystérieuse galaxie intérieure. Intelligence et sensation
interrogent "un peu de bleu sauvé", ainsi que les nuits de la raison. Le
corps, dans cette attente, donne ses rythmes. Le style d'Anne Chesnaie est
tantôt simple, tantôt plus festonné, avec des pans livrés au hasard, voire de
rares sectionnements de sens. "Ce n'est… pas une poésie abstraite, dit le
poète dans son avant-propos mais, au contraire, un langage encore un peu livré
à l'émotion, qui fait corps avec elle." « Le paysage et l'âme » abonde en
formules audacieuses et intenses : "La bouche est un fruit à qui vient
l'esprit." Mais le poète se félicite, avant tout, d'un accord entre l'onirisme
du langage et la réalité-carapace : "J'aime, écrit Anne Chesnaie, cette
lisière où le langage émerge des fonds de l'humain et se fait encore bousculer
par l'émotion ou la passion."